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La patte de Sekhmet

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Thème: Le Road-Trip.

"Le 10 Août 2011, écrit au soir.

Nous sommes fous d'être ainsi sur une nationale, un jour d'août, à l'aube. Que m'a-t-il pris de me faire embarquer là-dedans ?


Oh, et puis, tes beaux yeux en valent la peine.


Les voitures nous doublent, nous klaxonnent, certains nous regardent avec étonnement, d'autres avec admiration, mais ils font peur aux chevaux. Je ne pensais pas que des bestiaux pareils auraient peur d'un petit klaxon ! Du coup, le carrosse bringuebale beaucoup, ce qui ne suffit pas à te réveiller, bien entendu.


Mais en pensant cela, l'embryon de colère s'estompe aussitôt en te regardant. Je ne suis toujours pas habituée à voir tes longs cils mordre ta pommette et ta paupière couvrir tes deux iris sombres. Je tire doucement les rideaux de velours bleu roi, la lumière de l'aube vient caresser ton profil, ta joue, l'arête de ton nez, l'arc de tes lèvres, l'angle de ta mâchoire, jusqu'à la perle de nacre fixant ta Lavallière.

Je tape trois coups contre la paroi de la cabine, le cocher comprend qu'il faut s'arrêter là où nous le pourrons. L'arrêt vient vite, il est temps de petit-déjeuner dans le soleil levant. L'odeur amère, un peu piquante et chaude du café te réveille, tu râles, plus par principe que par réelle conviction, tu rajustes légèrement le noeud noir dans tes cheveux, puis tes doigts gantés serrent les miens collés à la tasse brûlante, deux sucres, et mon sourire en croissant que tu dévores. Ton bras enserre ma taille corsetée dans le seul bruit du tissu de ma robe à paniers de voyage, tandis que nous regardons la valse lente du Soleil. Un reflet froid se dessine sur nos mains gauche.

Nous repartons environ deux heures plus tard, après une courte toilette, où j'ai eu le temps de jouer le jeu avec renouage de corset et poudre de riz parfumée sur le nez. Le rituel du matin se termine par la touche de parfum que tu mets du bout des doigts au creux de mon cou. On croirait presque que c'est un jour ordinaire.

La route se pare maintenant de hauts arbres, nous voilà bientôt arrivés, je reconnais le coin, bientôt il faudra tourner à gauche, puis longer une maison ancienne avec un parc, avant d'arriver là où je voulais t'emmener de façon plus conventionnelle. On nous arrête souvent pour nous prendre en photo, on nous félicite, le temps passe vite, malgré tout.

Le bruit des sabots des Shires dans les gravillons de la cour me font trépigner de joie, je descends de ma voiture sculptée en sautant à demi, retrouvant la maison que j'avais tant aimée plus jeune. La châtelaine, en tailleur strict, nous accueille avec de grands éclats de rire, elle ne nous attendait pas ainsi apprêtés ! Arriver en costumes d'époque pour vivre dans une dépendance du XVIIIème siècle, ce n'est pas courant !

La suite de notre voyage page suivante, avec quelques photos...
"

Je referme ce cahier, mi-journal, mi-album photo à la couverture de cuir que j'ai mis tant de jours à écrire, à illustrer, à chérir. Le souvenir de ce voyage est toujours vif à ma mémoire, nous n'avons fait que traverser la France, mais cela valait tous les kilomètres de la Terre, par la façon dont cela a été fait. Parce qu'en l'espace de quelques mois, nous avons vécu l'époque pour laquelle nous étions faits. Parce que tu as été fou du début à la fin, je n'aurais jamais vécu ça avec un autre. Maintenant, tu es dessous la terre, j'ai toujours ton éclat froid à ma main gauche, la perle de nacre brille à mes cheveux qui sont devenus de neige. Le seul voyage que je ferai prochainement sans toi sera pour te rejoindre. J'espère seulement que tu seras en Lavallière.







Musique d'accompagnement: ici



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